Formation et développement des compétences … les conditions du succès …

Si la mise en place du compte personnel de formation (CPF) doit, selon le législateur, permettre de se doter « au plus vite des outils les mieux adaptés dans la bataille pour le développement des compétences », il s’agira de savoir à quelles conditions la formation pourra véritablement être au service du développement des compétences, et quelle peut réellement en être son utilité pour des managers confrontés à des exigences de plus en plus fortes de rentabilité à court terme ?

hcdA l’ère de l’information généralisée, il va s’agir de prendre réellement la mesure de l’influence de l’environnement sur nos rapports à l’apprentissage. Et il va s’agir en conséquence de réfléchir à l’approche à retenir préférentiellement pour maximiser les bénéfices attendus de la formation.
Nous avons tous été conduits à poser le constat de l’efficacité, toute relative dans le temps, des modes traditionnels d’apprentissage en formation continue …

Nous allons interroger ici les conditions dans lesquelles les acquisitions visées de la formation ont le plus de chances d’être intégrées durablement par les apprenants, et particulièrement pour les managers à qui nous nous consacrons.
Plus précisément, la question est de savoir comment les acquisitions de la formation pourront leur être ‘’utiles’’ au quotidien, en leur donnant des clefs pour modifier leurs pratiques et améliorer leurs positionnements, et pour trouver au final, plus d’efficacité et de confort dans leur exercice professionnel.

L’apprentissage ne saurait reposer sur les seuls principes d’incitation et de conditionnement …

Jusqu’alors, le modèle dominant  dans la formation, très fortement imprégné des conceptions behavioristes, postule que l’apprentissage reposerait très largement sur la motivation extrinsèque, ou autrement dit sur un système de stimulations et d’incitations externes.
Ainsi, en visant l’atteinte de résultats en termes de comportements observables (« à l’issue de la séquence, les participants seront capables de … »), en faisant la part belle au training, en misant sur la reproduction mécanique de gestes, pratiques ou attitudes, et en assortissant le tout de processus d’évaluation et d’indicateurs de résultats, on œuvre essentiellement dans une logique de renforcement. La formation est ici censée ‘’garantir en retour’’ les changements attendus de comportements et leur répétition dans le temps.
A ce stade de notre réflexion on perçoit déjà la limite de ce modèle !

Il apparaît effectivement déjà extrêmement simplificateur de réduire l’apprentissage à la mise en œuvre de comportements. En effet, en focalisant sur cette seule dimension des comportements observables, attendus des apprenants – on parle ici du reste le plus souvent, pour ce qui concerne les managers, de postures (1) –  on n’intègre sans doute pas suffisamment les mécanismes internes qui conditionnent l’apprentissage, à savoir les étapes de conceptualisation, de prise de conscience et de décision, et à terme d’appropriation et d’ancrage.

Et pas beaucoup plus les externes, à savoir les interactions sociales, avec les autres participants ou le formateur par exemple, faisant de l’apprentissage un processus actif et plus seulement le résultat d’un conditionnement (2).

En réalité, l’apprenant est appelé à participer activement à la construction de son savoir …

C’est la thèse des constructivistes. Pour eux, il ne peut y avoir d’apprentissage  sans prise de conscience de celui-ci.
Ici alors, l’engagement dans la formation est principalement garanti par un mécanisme de motivation intrinsèque, reposant notamment sur la perception de l’utilité de la formation (3).

Dans ces approches renouvelées, l’apprenant se trouve donc bien repositionné au cœur de l’apprentissage, actif dans le « processus d’acquisitions de comportements nouveaux et durables »(4), ceux-ci étant produits de l’intérieur de sa conscience et non plus de l’extérieur par l’effet d’un mécanisme d’incitation pure.

Quel premier enseignement en tirer ?

Il s’agira alors, dans le processus d’apprentissage, de veiller avant tout à rendre l’apprenant intellectuellement actif et partie prenante.

Qui plus est, la place tenue par ses représentations apparaissant comme centrale dans le processus d’apprentissage, il conviendra de ‘’prendre l’apprenant là où il en est’’ (ce qu’il sait déjà, sa manière de voir les choses, son appréhension de la situation…). En effet, pour pouvoir envisager une modification dans sa manière d’agir ou de se comporter, encore faudra-t-il préalablement que se produise une évolution dans sa manière de voir les choses…

Le formateur étant appelé à se positionner, avant tout, comme facilitateur et non plus comme expert ou ‘’supposé savoir’’, Il pourra donc convenir de privilégier dans la formation

– le recours aux situations problèmes (études de cas, analyses de pratiques et mises en situation…) qui pourront amener les participants à apprendre de leurs expériences, par mécanismes progressifs d’induction.

– la mise en œuvre de méthodes d’apprentissage collaboratif qui favoriseront les interactions entre les différents participants (à l’image du succès connu des approches de co-développement).

Cette option se trouve confirmée  par les travaux de Bandura consacrés au sentiment d’efficacité personnelle.

La conviction de pouvoir obtenir des résultats apparaît comme le principal levier de motivation…

Selon cette théorie – dite sociocognitive – la dimension psychologique constitue bien un déterminant de premier ordre dans l’apprentissage, en ce sens que la conviction de pouvoir obtenir des résultats grâce à ses actes, constitue la motivation essentielle pour agir, et bien plus encore pour persévérer dans l’action.

A l’origine de cette dynamique vertueuse, il y a tout d’abord l’expérience faite par l’apprenant de la maîtrise en situation, et la confiance qui s’ensuit. C’est en effet en lui permettant de capitaliser sur des succès, au cours de séquences progressives d’apprentissage, que l’on renforcera chez lui cette croyance. A contrario, les échecs vécus, ou simplement appréhendés (sentiments d’impasses, dilemmes, perceptions de paradoxes…) réduiront cette confiance et l’exposeront à l’inhibition de l’action.
En second temps, les succès observés chez les pairs, pourront également renforcer chez l’apprenant sa croyance en ses propres capacités de réussite. C’est ce que Bandura désignera sous le terme d’expérience indirecte ou vicariante (à savoir celle éprouvée au travers de l’observation, de la comparaison et de l’identification). Là encore, on le perçoit, se trouve un très puissant accélérateur de confiance.
Au final, ces expériences répétées de réussite pourront constituer chez l’apprenant les révélateurs d’autres potentiels. D’où effet de spirale vertueuse, en lieu et place du cercle vicieux de l’inhibition de l’action …
Même si ces différents éléments, tous à placer du côté de l’apprenant, n’excluent pas l’influence de l’expertise, de la crédibilité et de l’attrait exercé par le formateur, on le voit ici, le rôle qui lui est dévolu est appelé à connaître, dans ce contexte, une forte évolution, et à nous éloigner durablement des modèles antérieurs de l’expert ou du maître.
Nous sommes amenés à faire quotidiennement le constat des vrais résultats produits par cette nouvelle manière d’intervenir en formation (l’apprenant au travail sur son propre matériau, au milieu de ses pairs) et de ses effets durables dans la vie des managers que nous accompagnons (5).

Alors, dans les formations et accompagnements que nous proposons au sein des Ateliers managériaux entre pairs, nous privilégierons toujours les approches en mode coaching.

Il s’agit en effet d’amener l’autre à penser par lui-même plutôt que de vouloir penser à sa place.

Il ne convient pas
– à l’image de ce que Rogers avait déjà souligné – de se focaliser sur le problème de l’autre, mais bien essentiellement sur lui et sur le problème que le problème lui pose…
– d’abord et avant tout parce que c’est à cet endroit en effet que s’origine son incapacité à penser le problème différemment, et donc, bien plus encore, à imaginer de pouvoir agir autrement
– et puis aussi parce que, le plus souvent, l’apprenant  a  déjà la solution en lui.

C’est ce dernier postulat qui nous guide au quotidien dans l’exercice de notre mission de formateur et d’accompagnateur, et notamment à la suite de l’analyse de centaines d’heures de vidéos d’entretiens débriefés avec les participants.
Alors, pareillement, et grâce aux expériences que nous leur proposons dans les ateliers de pairs, nous faisons le pari que les managers, en privilégiant le travail sur leur ‘’matériau’’, en renonçant à apporter les solutions aux autres, en privilégiant des attitudes d’écoute active et la reformulation, seront amenés à faire eux aussi le constat que, le plus souvent,

Nos interlocuteurs ont bien en eux la solution … à eux alors de l’imaginer et de la mettre en œuvre, pour peu que nous les aidions à y voir plus clair

Janvier 2015

(1)     Ne définit-on pas d’ailleurs la posture comme une attitude, une position qui se remarque, soit par ce qu’elle a d’inhabituel, ou de peu naturel, de particulier à une personne ou à un groupe (ici une posture managériale), soit par la volonté de l’exprimer avec insistance ? Et ne devrait-on pas plutôt œuvrer à la transformation des positionnements plutôt qu’à l’adoption de postures….?

(2)     Les centres de formation et de perfectionnement aux techniques de vente par téléphone en sont un des exemples les plus significatifs, s’attachant principalement à inculquer des comportements et postures réputés efficients, à enseigner des réponses types, étalonnées par avance et de manière inconditionnelle, le tout sur la base de scripts prédéfinis et de techniques d’entretien ou de négociation réputés opérants.

(3)     Et l’on pense ici au modèle cognitiviste, proposé par Vroom au début des années 60, intitulé théorie des attentes ou du résultat escompté,  posant que la motivation se fonde avant tout sur le triptyque ‘’valence’’ (cela en vaut-il la peine ?), ‘’expectation’’ (en suis-je capable ?), et ‘’instrumentalité’’ (qu’est-ce que j’en retirerai ?).

(4)     Définition de l’apprentissage selon Berbaum.

(5)     Par exemple dans leur manière de conduire leurs entretiens avec leurs collaborateurs, notamment en renonçant à un management essentiellement persuasif et à la tentation vouloir résoudre leur problème à leur place.